Peut-on imaginer une Dalaâ (épaule avec les côtes) d’agneau sans le safran, qui lui apporte sa couleur dorée, son subtil parfum et sa saveur si délicate ?
Au Maroc, le safran (Zaâfarane en arabe) ajoute l’éclat de son or flamboyant et la subtilité de son arôme aux M’hammers (rôtis), aux tajines de viande, de poulet et de poisson. Il peut également s’utiliser dans les gâteaux, les jus et autres douceurs. Il aromatise divinement le thé. Dans la cuisine européenne, il est l’indispensable épice de la bouillabaisse française dont il rehausse le goût et exalte celui des poissons qui la composent. Et que dire d’une paella dont le riz doit son aspect ambré aux fameux pistils. Et le risotto dont le moelleux et la texture fondante seraient incomplets sans la pointe de safran qui sublime sa succulence.
Le Safran au Maroc
Le safran est présent au Maroc depuis le IXème siècle. Longtemps, il fut utilisé comme pigment, pour teinter la laine et dans la décoration des plafonds en cèdre des kasbahs du sud aussi bien à Taourirt, à Telouet qu’à Rissani.
Aujourd’hui, c’est son statut d’épice qui lui assure sa notoriété et bien que le Maroc ne soit pas le premier producteur, sa cuisine est, plus que tout autre, liée à l’envoûtante saveur du Safran.
De l’or, le safran n’a pas seulement la couleur mais la valeur également. Il nécessite d’importants investissements de départ compte tenu de la cherté des bulbes de qualité, d’autant plus que sa récolte exige une importante main-d’oeuvre.
Les familles des fermiers travaillent très tôt le matin pour récolter les fleurs avant l’apparition du soleil. Ensuite, à l’abri de la lumière, il faut séparer les stigmates du reste de la fleur ; ce sont ces stigmates qui, une fois secs, constitueront cette épice. Toutes ces opérations sont entièrement manuelles.
Entre la récolte et la préparation, il faut compter 3 à 4 heures de travail pour obtenir un gramme de safran sec !
Le safran sec est d’un beau rouge «sang de bœuf». Il peut se conserver plus de trois ans. Son seul ennemi est la lumière, qui lui fait rapidement perdre ses vitamines et altérer peu à peu son goût.
Sa culture occupe des petites parcelles à Debdou, mais surtout à Taliouine et Taznakht, villages montagnards de l’Atlas, à 1200 m d’altitude, relié au reste du Maroc par le col du Tizin’t est. La vallée de l’Ourika possède depuis 2003 une safranière.
Le temps du Safran
Du 31 octobre jusqu’à la fin de la cueillette, aux alentours du 15 novembre, se déroule à Tnine Ourika, une visite guidée menée quotidiennement par les producteurs. Après un exposé court, avec un support photographique pour présenter la plante, on peut visiter la plantation et assister en direct à la cueillette, l’émondage et au séchage. La Safranière propose également l’initiation à la cuisine marocaine sur demande et la visite des différents espaces de culture.
Une épice délicate
Le safran ne fait pas partie des épices dont l’action agit instantanément. Il a besoin de temps pour se développer et révéler la subtilité de ses saveurs.
Pour une utilisation optimale, on peut :
- Mettre les stigmates de safran à tremper dans un bol d’eau chaude toute la nuit. Le lendemain, filtrer à travers une mousseline et ajouter l’eau safranée à la préparation.
- Déposer les stigmates sur le couvercle de la marmite sur le feu. Quand ils sont chauds et secs, les frotter entre les paumes pour les réduire en poudre, par-dessus le contenu de la marmite.
- Ajouter le safran en filaments dans la préparation en cours de cuisson. Il apportera en plus de sa couleur, sa saveur et un effet décoratif aux plats cuisinés.
COMMENT ACHETER SON SAFRAN ?
Tout d’abord, il faut toujours acheter son safran entier, en filaments. La couleur des filaments doit être rouge vive à grenat, l’odeur forte, sucrée, très légèrement amère (l’amertume indique un safran de plusieurs années).
Dans tous les cas, la macération du produit doit laisser des traces jaunes sur les doigts.
ATTENTION AUX FRAUDES !
Il faut 180 à 200 000 fleurs pour obtenir un kilo de safran. On comprend facilement, vu le coût de la main-d’œuvre et donc de cette épice, qu’elle est sujette à toutes sortes de manipulations pour, soit falsifier son apparence soit, lui faire prendre du poids.
La fraude se fait de plusieurs manières :
- Adjonction de produits végétaux. C’est la plus commune des fraudes. Vendu sous forme de poudre, on incorpore au safran moulu de la poudre jaune servant de colorant. D’autre part, les étamines sont très souvent broyées avec les stigmates, d’où une augmentation du poids non négligeable.
D’autres plantes peuvent être ajoutées aux stigmates entiers comme le carthame, le souci ou les barbes de maïs.
- Ajout de produits chimiques. À la récolte on récupère le style, partie de la plante sans intérêt, on le colore chimiquement en rouge et on l’incorpore aux stigmates. On a même retrouvé de la poudre de brique dans du safran.